Les notes douces-amères de Nico de Soto, French bartender

Il possède des bars partout dans le monde, ou presque. Il influence, créé les tendances, cumule les récompenses. Dans ce milieu vibrionnant de la fête et du plaisir, Nico de Soto a pourtant creusé sa voie, étape par étape, patiemment, pour devenir un mixologiste de génie et un serial entrepreneur reconnu et respecté. Alors forcément, la sagesse s’entrechoque avec la jeunesse, et son franc-parler se savoure par gorgées. En voici 3 bien relevées.

FCG. Comment se définit la French Touch dans votre métier ?

NdS. A l’étranger, on a cette image de qualité, de bons vivants. C’est sur cette étiquette que j’ai été embauché facilement à New-York à mes débuts. La France, c’est la classe, la mode, l’art. Comme les Italiens, d’ailleurs. Maintenant, on nous voit aussi comme des « jamais contents », et je dois dire que je suis assez d’accord. Mais ce qui me chagrine le plus, c’est que malgré les très bons bars à Paris qui proposent des cocktails hyper créatifs et de haut niveau, il y a un manque de curiosité des français. La clientèle est surtout étrangère. Hier j’étais à une terrasse de café et j’entendais encore « Je voudrais un rouge. » Un rouge ! Est-ce qu’on va au restaurant pour dire « Donnez-moi à manger » ? Il y a un déficit de culture sur les cocktails alors qu’il y a de vraies propositions novatrices, inédites. Les palais ne sont pas entrainés. Il n’y a pas assez d’intérêt sur ce sujet alors qu’en Asie, il y a la queue dès qu’un nouveau spot ouvre et bouscule un peu les codes.

FCG. L’innovation, c’est un terme pertinent pour vous ?

NdS. Bien sûr ! On ne fait que ça, en permanence. Il y a toujours de la recherche, de nouveaux ingrédients, des nouvelles techniques. On ne fait jamais le tour. D’ailleurs, les pairings* les plus intéressants sont ceux où il n’y a pas que du vin… le cocktail offre des options vraiment intéressantes pour surprendre et renouveler la gastronomie. Même si on vit dans un monde où la nouveauté est devenue la norme et que plus rien n’émerge vraiment dans le foisonnement d’informations…

FCG. Est-ce que la vague du « Craft » dans votre secteur est un retour aux sources alors ? En réponse à cette course effrénée à la nouveauté ?

NdS. Attention, il y a Craft et craft. Le retour à l’« authentique » avec la réédition de recettes d’avant où les alcools étaient de mauvaise qualité et que les dosages servaient à masquer le goût, ça n’a pas de sens. Des années de recherche, de science et de bon Craft ont quand même largement amélioré les choses ! Le petit batch** fait soi-même, en tout cas qui n’est pas industriel, aura toujours mon attention. Il faut regarder les produits qui vont bien vieillir. Je guette de très bons whiskys bretons qui ont été fait avec patience, avec le temps nécessaire, et qui sont juste dingues. Les gens qui font ça, ils m’intéressent. Pour moi, le Craft, c’est faire les choses bien et ne pas tomber dans la facilité.

*pairing : accord met-boisson

** batch : lot, cuvée